Aïkido et martialité

Le numéro d’automne de la revue Dragon Spécial Aïkido se pose la question de la martialité dans l’aïkido. Si les réflexions de la plupart des contributeurs me semblent un peu vaseuses et cherchent davantage à éluder la question qu’à y répondre, l’article d’André Cognard me semble d’une rare pertinence. Voici une synthèse de quelques morceaux choisis.

La martialité historique de l’aïkido et de son fondateur n’est pas à remettre en doute. Mais que signifie être martialement efficace en aïkido dans un monde où les violences militaires, économiques ou institutionnelles sont partout. L’auteur s’appuie sur la citation de Yagyu Munenori pour avancer  que « le sabre le plus abouti est celui qui est efficace alors qu’il reste au fourreau ». Il ne s’agit pas ici d’un éloge de la non-violence mais de se rendre compte que « si le sabre est faible ou dans les mains d’un faible, alors il doit sortir pour imposer une loi vacillante et c’est de toute façon un échec car cela signifie que la société est fragilisée au point qu’il faille recourir à la violence pour maintenir l’ordre. Le maintien de l’ordre devient alors l’expression du désordre » ajoute l’auteur. « L’efficacité de l’aïkido est évidente pour peu qu’on pose la question de l’efficacité avant et non après la sortie du sabre ».

L’aïkido consiste alors à développer une force intérieure en développant « la capacité technique, la disponibilité de l’énergie, la conviction éthique et la détermination ». Si l’aïkido vise à créer ce « guerrier pacifique » il faut comprendre que « le combat contre la violence ne se mène pas seulement avec des mots. Il faut se renforcer, intellectuellement, physiquement, techniquement et émotionnellement pour accéder à la victoire sans violence ». En d’autres termes, il faut être fort, aguerrir sa force dans des situations de conflit afin de pouvoir se permettre de gérer la violence pacifiquement.

Il faut aussi s’armer de courage pour produire notre propre transformation, créer en soi des valeurs nouvelles et faire naître des vertus chevaleresques. Et cela s’acquiert par la pratique. André Cognard rappelle que « Mon agresseur n’est pas mon ennemi. L’ennemi est ce qui fait que nous devons nous combattre ». L’autre n’est mon adversaire uniquement parce que je n’ai pas réussi à trouver ce lieu dans lequel nous sommes inséparés, inséparrables. Toute faiblesse intérieure nous divise et rend une part de nous attaquable.

« La force intérieure fait la force extérieure mais l’inverse n’est pas vrai ». La force intérieure est nécessaire pour maintenir en nous l’unité inattaquable, pour utiliser l’énergie et réaliser un mouvement, y compris un mouvement de non-violence. « C’est l’expression juste de la conscience éthique que d’user de sa puissance dans le monde pour nourrir sa force intérieure » et réconcilier son être avec sa forme manifestée, celle qui est attaquée, celle qui pose la question de la violence et à laquelle nous devons répondre avec force et détermination par l’unité. Ainsi renforcé, l’autre, l’attaquant ne nous fait plus peur, et nous pouvons l’accueillir sans crainte.

Le conflit que nous propose aïte pendant la pratique crée en moi un conflit intérieur que je dois résoudre par un retour à l’unité. « Tout conflit est une tentative de retour à l’unité ».

« L’enseignement authentique (…) est une succession d’épreuves, toujours nouvelles, qui sont proposées par le maître et que l’élève peut refuser ou accepter. Celles-ci ont pour objet de renforcer l’individu dans toutes les profondeurs de sa conscience afin que les armes du guerrier qu’est l’aïkidoka soient efficaces et permettent de maintenir l’harmonie tout en gardant le sabre au fourreau. C’est sa puissance intérieure et sa compétence en matière de combat qui donnent à l’aïkidoka son efficacité pacifique ».

Le combat de l’aïkidoka n’est donc pas au dehors mais au-dedans. Le conflit est l’état naturel des choses, et nous livrons un inlassable combat pour trouver et maintenir cette paix intérieure afin de la faire rayonner à l’extérieur.

Et l’auteur de conclure : « Le guerrier violent se repose en période de paix, le guerrier pacifique ne se repose jamais. Il doit veiller en permanence sur la balance unité-division du monde; il doit protéger l’harmonie de toutes ses forces ».

J’ajouterais que cette recherche d’efficacité, de cette force intérieure sera toujours difficile à partager avec ceux qui n’accordent d’importance qu’à l’expression de la violence musculaire mise en valeur dans bon nombre de sports de combat.

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