L’Aïkido, pour la vie et la mort!

Dans notre discipline nous apprenons à manipuler des concepts aussi étranges pour une société policée que la violence, la vie, la mort, la douleur… On retrouve sur le tatami différentes dimensions fondamentales de l’existence et on pratique au niveau physique, énergétique, spirituel… Il semble même qu’une séance d’aïkido ait la capacité à faire ressortir nos plus belles qualités, nos blocages les plus inconscients, nos peurs les plus enfouies et parfois les traits de caractère que l’on se plait habituellement à dissimuler. En somme on fait de l’aïkido avec ce que l’on est et c’est ce qui le rend si précieux. Car en connaissant nos forces, nos limites nous pouvons travailler dessus et le résultat se ressent physiquement, psychologiquement.

Par les temps qui courent et les virus qui courent pourrait-on dire, notre relation à la peur, à la vie, à la mort, à la relation à l’autre est à nouveau interrogée. Nous devons savoir si nous accepterons de travailler à proximité de nos partenaires comme avant. Nous devons mesurer nos risques, peser les avantages de la pratique et le risque potentiel. Mais ne sommes-nous pas habitués par l’aïkido (entre autres) à faire preuve de jugement, à prendre des risques, à affronter plusieurs adversaires armés? N’apprenons-nous pas à jouer avec ces dimensions de vie et de mort? Chacun devra mesurer sa relation au risque et vivre avec. Je repense à cette phrase que l’on entend dans le film « Le dernier Samouraï ». L’empereur du Japon demande à Nathan Algren (Tom Cruise) de lui raconter comment est mort Katsumoto le seigneur japonais qui lui résistait. Et Nathan Algren de répondre: Je vous dirai plutôt comment il a vécu.

On se retrouve très prochainement!

Se libérer des six travers dans les arts martiaux

En préface du livre de Kisshômaru Ueshiba, L’esprit de l’aïkido, Taitetsu Unno rappelle les sages paroles de Yagyù Munenori énoncées dans Transmission de l’art du combat dans la maison Tokugawa qu’à mon tour je vous partage ici.

La finalité des arts martiaux est de surmonter six grands travers: le désir de vaincre, le désir de connaître des bottes secrètes, le désir de paraître, le désir de posséder un ascendant psychologique sur l’adversaire, le désir de rester impassible dans l’attente d’une ouverture et enfin… le désir de se libérer de tous ces travers.

À méditer…

Du dogmatisme en Aïkido

Comment rester fidèle à l’enseignement de Maître Ueshiba sans tomber dans la réification d’un art? Comment s’inspirer, s’appliquer, comprendre sans figer? Comment savoir que je suis sur la bonne voie? Existe-t-elle?

En chinois ancien le verbe « être » n’existe pas. La façon de penser les choses est de les situer toujours quelque part entre deux pôles dynamiques. Ainsi le « monde » se dit Terre-Ciel. Il faut donc comprendre que le monde se situe entre le haut et le bas, le solide et le gazeux, le visible et l’invisible, le palpable et l’insaisissable… Ces contraires non contradictoires créent le vide médian, espace de tous les possibles.

La forme d’une technique d’aïkido ne peut être qu’une des mille variations possibles entre Omote-Ura, entre le centre et le cercle, entre l’accueil de la force de l’autre, et l’imposition de notre énergie… Il est donc impossible de figer notre étude sur la répétition d’un geste unique, constant, toujours observable et toujours évaluable selon des critères fixes.

Perpétuer l’art de O Sensei ne consiste pas à singer ses mouvements mais à affiner notre compréhension de l’univers possibiliste qu’il nous a transmis.

Transmission

En choisissant un dojo, chacun s’attend à trouver un enseignement de qualité et bien sûr, on imagine que la qualité de son apprentissage dépend de celle de l’enseignement. S’il existe un lien, il ne faut pas oublier que l’apprentissage est un acte intime et que chacun d’entre nous reste maître de ce qui est appris ou non. Le professeur se doit de créer l’environnement dans lequel il est possible d’acquérir l’expérience de la connaissance, mais son pouvoir s’arrête là.

Tout pratiquant d’aïkido a fait l’expérience de réussir quasi-parfaitement une technique ou un mouvement sans pour autant comprendre exactement ce qu’il venait de se passer. Il réessaye, insiste, tente de se rappeler mais ça ne marche plus aussi bien. Le vieux maître de Kyudo aurait dit dans le cas d’un tir parfait « Quelque chose a tiré ». Parfois quelque chose a fait de l’aïkido à un moment précis, un moment de grâce difficile à expliquer et à reproduire.

Pour l’enseignant c’est la même chose. Parfois le message que l’on souhaitait faire passer se heurte à mille difficultés, et rien n’arrive sinon agacement et impatience. Parfois, sans savoir exactement pourquoi le professeur réussi à transmettre très précisément ce qu’il projetait, et il peut voir dans le regard de chaque élève la compréhension et la satisfaction de la réussite. Pour lui, quelque chose à transmis, quelque chose a enseigné.

Il est indéniable que chacun, professeur ou élève doit faire de son mieux. Mais la réussite de la transmission dépend de bien des facteurs que personne ne maîtrise vraiment. Parfois tout est fluide, facile, clair. Parfois cela reste trop compliqué. La transmission a une part de mystère et l’art pédagogique n’est que peu de secours. Seule l’expérience peut guider un petit peu le professeur dans ses tentatives.